Créer une activité en circuits courts : un projet qui se construit par étape
Les projets de production en circuits courts se développent, que ce soit pour s’installer ou pour diversifier ses activités. Quels que soient les objectifs qui motivent ce type de projet, les démarches à mettre en œuvre pour bien le préparer sont les mêmes. Elles s’articulent autour de 4 principales étapes, depuis l’émergence du projet jusqu’à sa concrétisation.
Etape 1 : Bien définir son projet en circuits courts
Il est essentiel dans un premier temps d’être clair sur ses objectifs et se poser certaines questions : quelles sont mes sources de motivation ? Mon projet est-il en phase avec mes valeurs ? Quel niveau de revenu dois-je atteindre ? Quelles seront les répercussions sur ma vie privée ? Quelles sont les concessions que je suis prêt à faire et à l’inverse quelles sont les limites que je m’interdis de franchir ?
Cette phase de réflexion est nécessaire pour clarifier ses objectifs et définir de façon précise le cadre du projet pour qu’il soit en cohérence avec ses aspirations. Il est important de construire un projet dans lequel on se sentira bien et qui sera source d’épanouissement et de motivations.
Cette phase sera aussi l’occasion d’analyser sa situation de départ en repérant :
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Ses forces et ses faiblesses : notamment les moyens dont on dispose en bâtiment, matériel, cheptel, ses compétences, sa situation financière, …
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Ses atouts : le caractère innovant de ses produits, une situation géographique favorable, …
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Ses contraintes : présence d’une concurrence forte, contraintes privées, …
Etape 2 : Trouver son marché
L’étape suivante va consister à analyser le marché pour vérifier le potentiel de débouchés et construire sa stratégie commerciale.
Cela passe par la réalisation d’une étude de marché. Elle va permettre de recueillir des informations sur la dynamique de son territoire (l’évolution de la population, le niveau de vie, la densité des infrastructures et des réseaux de déplacement), sur les tendances et les attentes en matière de consommation pour la famille des mêmes produits que les siens (en termes de quantité et de qualité).
L’étude de marché va aussi amener à repérer les concurrents : où sont-ils ? que vendent-ils ? quels volumes ? par quel canal ? L’enjeu est de se démarquer des concurrents et de venir en complémentarité avec ce qu’ils proposent.
L’étude de marché s’appuie sur des recherches bibliographiques permettant de synthétiser les diverses données chiffrées nécessaires à l’analyse de son projet en croisant différentes sources : issues des organismes de statistiques et de sondage (tels que l’INSEE et le CREDOC) et techniques ou économiques (AGRESTE, FranceAgrimer). En complément, des enquêtes terrain auprès des consommateurs et des distributeurs sont nécessaires. Elles vont permettre de vérifier localement l’intérêt du produit que je vais proposer, de cerner les attentes des consommateurs et de comprendre comment travailler avec les intermédiaires et de créer des partenariats avec eux.
Etape 3 : Acquérir les compétences nécessaires
La conduite d’un projet de diversification nécessite de multiples compétences.
Il faut être un bon producteur car produire reste la base du métier. La maîtrise technique (rendement, charges d’intrants, conduite alimentaire) reste essentielle pour optimiser les coûts et les volumes produits. Les compétences techniques expliquent d’ailleurs une grande part des écarts de coût de revient entre les producteurs.
Beaucoup de projets incluent également la transformation des produits (lait, produits carnés, fruits, légumes). Il faut donc aussi dans ce cas être un bon transformateur pour mettre en vente des produits de qualité en termes de goût et d’hygiène.
Le 3ème métier à maîtriser est celui de commerçant : trouver les bons arguments pour mettre en avant ses produits, avoir le sens du contact et comprendre sa clientèle, autant d’atouts pour réussir ses ventes.
Enfin, il faut être un vrai chef d’entreprise avec la capacité de bâtir sa stratégie pour faire évoluer son activité en termes d’investissements, d’innover au niveau des produits, de gérer les comptes et la trésorerie de l’exploitation et de manager son personnel (savoir recruter, animer une équipe et organiser le travail).
Il est donc primordial de faire son expérience avant de se lancer. Plusieurs voies sont possibles : suivre des formations pour combler ses lacunes, passer par une phase d’activité salariée ou en tant que stagiaire sur une structure ayant le même type d’activité que celle qu’on souhaite mettre en œuvre. Ceci permet non seulement d’acquérir les compétences nécessaires pour bien démarrer, mais aussi de vérifier que le projet envisagé correspond bien à ce qu’on en attend et éviter toute mauvaise surprise à postériori. Il faut savoir prendre le temps d’évoluer progressivement dans son projet : passer par des phases de test à petite échelle pour mettre au point ses recettes et maîtriser les techniques de transformation, faire goûter ses produits à son entourage, à ses clients avant de lancer la production à grande échelle : c’est un gage de sécurité et de gain de temps.
Etape 4 : Etudier les conditions de réussite économique du projet en circuits courts
Cette étape va permettre de vérifier la viabilité du projet en circuits courts. Elle s’appuie sur la réalisation d’une étude économique prévisionnelle qui va intégrer tous les paramètres du projet :
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Les moyens de production (surface exploitée, taille du cheptel) et la conduite technique qui doit être décrite de façon précise (itinéraire technique, rotation des cultures, conduite alimentaire, …).
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Les volumes vendus : ils sont calculés à partir des moyens de production et des rendements prévisionnels des différents ateliers (cultures, animaux, transformation). Les volumes de vente escomptés doivent être en cohérence avec le potentiel de débouchés issu de l’étude de marché
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Le chiffre d’affaires annuel : il découle des volumes vendus et des prix de vente, qui sont souvent fixés en fonction de ceux de la concurrence. On ne peut certes pas l’occulter, mais les prix de vente doivent avant tout être établis en fonction de son propre coût de revient. Car l’objectif est bien de vivre de son métier, d’atteindre le revenu souhaité et de rémunérer sa main-d’œuvre et son travail à son juste niveau. Le prix affiché peut être différent de celui du producteur voisin à partir du moment où on a les arguments pour le justifier, qui peuvent être liés à une qualité de produit ou une façon de produire différente.
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Les charges : il s’agit des différents intrants (semences, aliment, ingrédients divers) et postes spécifiques au projet (emballages, analyses, énergie) qu’il faut chercher à quantifier et à chiffrer au plus juste. Cette étape va amener dès la construction du projet à prendre contact avec plusieurs fournisseurs et déjà repérer ceux avec lesquels on va choisir de travailler.
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Les investissements : ils concernent les bâtiments, le matériel, le cheptel nécessaire à l’activité. Ils doivent être raisonnés pour limiter les risques au démarrage du projet, mais aussi suffisants pour se donner de bonnes conditions de travail et éviter l’épuisement par la surcharge de travail. Il faut donc trouver le juste milieu et penser dans la phase de lancement à des solutions pour alléger les investissements : avoir recours à la location de matériels spécifiques (véhicule de livraison), déléguer certaines tâches (l’abattage) ou utiliser des installations chez des prestataires (le laboratoire de transformation par exemple). L’investissement pourra être envisagé dans un second temps quand l’activité sera suffisamment développée.
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Le financement : il peut reposer sur différentes modalités (des emprunts, des subventions, des apports personnels) desquels vont découler les annuités à rembourser par l’entreprise.
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La main-d’œuvre : les besoins en main-d’œuvre doivent être évalués pour l’ensemble de l’année, qui pour certaines productions peuvent être variables en fonction des pics d’activité. La réflexion doit intégrer le type d’emploi (salarié permanent, saisonnier) et le nombre d’employés nécessaire, ce qui permettra de calculer le coût annuel de la main-d’œuvre.
L’ensemble de ces éléments va permettre de bâtir l’étude économique pour vérifier la rentabilité du projet et évaluer le chiffre d’affaires à atteindre pour en assurer la viabilité.
L’étude économique doit aussi être complétée par un plan de trésorerie mensuel sur la première année pour mesurer le besoin en fonds de roulement nécessaire au lancement de l’activité. Il résulte du décalage entre les dépenses engagées et les ventes effectives. Le montant de ce besoin doit être chiffré et son financement prévu en amont du projet : avance fournisseurs, prêt de trésorerie, ouverture de crédit, apports personnels.
L’étude prévisionnelle doit être réalisée sur 5 ans pour visualiser l’évolution du projet et fixer des objectifs de progression permettant d’atteindre l’équilibre financier au plus vite.
Et une fois lancé
Il est primordial de communiquer, se faire connaître, utiliser tous les canaux adaptés à sa situation pour être vus par les clients : panneaux, flyer, site internet, articles de presse, … et de se doter d’un nom commercial et d’un logo qui permettra d’être visible et identifié.
Puis au quotidien, il faut être capable de suivre la bonne mise en œuvre de son projet et pour cela se doter d’outils de pilotage. Il s’agit d’indicateurs chiffrés personnels et adaptés à son activité. Ils doivent être simples et faciles à calculer : le chiffre d’affaires hebdomadaire, l’évolution du solde bancaire, le panier moyen/client…L’objectif est de vérifier que le projet suit les prévisions ou à l’inverse de repérer au plus vite un dérapage, une amorce de dérive et de mettre en œuvre rapidement les mesures correctives.
Se faire accompagner est indispensable à toutes les étapes du projet pour faire les bons choix, prendre du recul et penser à bien appréhender le projet dans toutes ses dimensions.
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